Entrer par l’improvisation dans un grand texte théâtral

Par pair, improviser pendant une minute. D’abord deux élèves à partir de rien, puis deux autres à partir de la première et dernière phrase de la Cerisaie du dramaturge russe Anton Tchekhov : « Enfin le train est arrivé ! » (…) « il faut se souvenir de ce qu’on est ». D’autres paires d’élèves ajoutant ensuite progressivement d’autres répliques.

L’action se passe dans la propriété de Mme Ranievskaïa.

ACTE I

La chambre qui est encore appelée la chambre des enfants ; une des portes donne dans la chambre d’Ania. L’aube ; le soleil va bientôt se lever. Commencement de mai ; cerisiers déjà fleuris ; mais il fait encore froid ; légère gelée blanche. Les fenêtres de la chambre sont fermées.

Scène première

Entrent Douniacha, avec une bougie, et Lopakhine, tenant un livre.

LOPAKHINE. – Enfin le train est arrivé ! Quelle heure est-il ?

DOUNIACHA. – Près de deux heures. (Elle éteint la bougie.) Il fait déjà jour.

LOPAKHINE. – Combien le train a-t-il de retard ? Au moins deux heures. (Il bâille et s’étire.) Quel imbécile je fais ! Je viens exprès ici pour aller les attendre à la gare, et je laisse passer l’heure. Je m’endors sur une chaise ! C’est malheureux ! Tu aurais dû me réveiller !

DOUNIACHA. – Je vous croyais parti. (Elle tend l’oreille.) Ah ! je crois que les voici qui arrivent.

LOPAKHINE, écoutant aussi. – Non… Le temps de prendre les bagages, ceci, cela… (Un temps.) Lioubov Andréïevna vient de passer cinq ans à l’étranger. Comment est-elle maintenant ? C’est une excellente femme, simple, agréable à vivre… Je me rappelle, quand j’étais un blanc-bec de quinze ans, mon défunt père, qui tenait une boutique dans le village, me flanqua un coup de poing dans la figure, et mon nez se mit à saigner. Nous étions venus ici je ne sais pourquoi, et mon père était un peu ivre. Lioubov Andréïevna, toute jeune encore, toute mince, me mena à ce lavabo, dans cette chambre des enfants, et me dit : « Ne pleure pas, mon petit moujik ; avant ton mariage il n’y paraîtra plus. » (Un temps.) Mon petit moujik ! C’est vrai que mon père était un paysan, et moi je porte des gilets blancs et des souliers jaunes !… Un groin de porc à portée des friandises… Tout nouvellement enrichi ; beaucoup d’argent !… Mais, à tout peser et considérer, rien qu’un paysan. (Il feuillette un livre.) J’ai lu ce livre et n’y ai rien compris ; ça m’a endormi.

Un silence.

DOUNIACHA. – Les chiens n’ont pas dormi cette nuit ; ils sentent que leurs maîtres reviennent.

LOPAKHINE. – Qu’est-ce qui t’arrive, Douniacha ?

DOUNIACHA. – Mes mains tremblent. Je vais me trouver mal.

LOPAKHINE. – Tu es trop douillette, Douniacha ! Et tu t’habilles et te coiffes en demoiselle. Ce n’est pas bien ; il faut se souvenir de ce qu’on est.

Le texte complet

dossier cerisaie

Visionner cette première scène

Autres mises en scènes

https://www.youtube.com/results?search_query=cerisaie

Un metteur en scène parle de la pièce

Une présentation de sa représentation :

 » Dans «le plus beau domaine du monde», célèbre pour sa cerisaie, l’émotion et l’excitation sont à leur comble en cette douce nuit de mai. Lioubov, la propriétaire, revient à la maison !
Lioubov avait quitté le domaine après la noyade de son petit garçon Gricha. Douniacha, la servante, Lopakhine, le marchand, Gaev, son frère, Varia, sa fille adoptive, Charlotta, la gouvernante, Firs, le vieux laquais, Pichtchik, un propriétaire terrien voisin, tous attendent impatiemment son arrivée. Même Pétia Trofimov, le précepteur de Gricha, est là pour la saluer. Lioubov arrive accompagnée de sa fille, Ania, et de son valet, Yacha. Tous se livrent aux joies des retrouvailles et au jeu des souvenirs.
Le lendemain, en se promenant sur le domaine avec son frère, la blancheur éclatante des fleurs des cerisiers et une légère brise qui les fait onduler, persuadent Lioubov que les anges y habitent, que l’ombre de Gricha s’y promène et que sa mère est revenue d’entre les morts.
Mais les temps ont changé. Lopakhine, dont la famille pauvre était au service de celle de Lioubov, s’est considérablement enrichi. Il lui apprend que durant son absence, les dettes se sont accumulées, que la cerisaie ne rapporte plus, que le domaine doit être vendu ou qu’il faut le raser pour y lotir des villas à louer…
La Cerisaie cependant ne se résume pas à la nostalgie d’un monde englouti; elle dépeint un tableau de vie qui repose sur l’éternelle opposition entre ceux qui, mélancoliques et indolents, restent attachés à un passé qu’ils embellissent en occultant les réalités du présent ; ceux pour qui il faut vivre selon ses aspirations profondes ; ceux qui éprouvent un vertige à regarder vers l’avant ; ceux qui aspirent à sauter dans une vie nouvelle par le travail, l’esprit d’entreprise, le goût du lucre ou le recours à la froide raison.
110 ans après sa création, l’oeuvre est toujours aussi troublante et forte. Est-ce parce qu’elle dessine cette « parabole éternelle sur le destin de l’être humain » pris dans l’entre-deux de l’ancien et du nouveau, de la beauté et du progrès, du rêve et de la réalité, d’un passé qui a tout dit face à un avenir empli d’inconnu et donc de promesses ?
Entre la première pièce de Tchekhov, Platonov (ou presque), qu’il met en scène au Théâtre Océan Nord et la dernière à laquelle il s’attelle à présent, Thibaut Wenger fait un lien. »

 

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